Saturday, May 3, 2014

AMNESTY INTERNATIONAL

DÉCLARATION PUBLIQUE
Index AI : EUR 68/001/2012

AILRC-FR

26 juin 2012
Slovénie. La Cour européenne des droits de l'homme demande que justice soit

rendue aux « effacés »
Amnesty International salue la décision rendue mardi 26 juin 2012 par la Grande Chambre de la
 


Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Kurić et autres c. Slovénie. La Grande



Chambre a estimé que l'« effacement », c'est-à-dire la radiation illégale de milliers de personnes du

registre slovène des résidents permanents, et les conséquences de cette pratique constituaient de

graves violations des droits humains.

Vingt ans après la radiation illégale de 25 671 personnes, cette décision marque la fin de la

controverse sur cette pratique. En se prononçant en faveur des « effacés », la Cour a rejeté

expressément et totalement les arguments des autorités slovènes, selon lesquels les personnes

radiées sont responsables de leur situation.

La radiation de milliers de personnes du registre des résidents permanents constitue l'une des

atteintes aux droits fondamentaux les plus graves depuis l'indépendance de la Slovénie. Les

autorités doivent reconnaître le caractère discriminatoire de leurs actes et ouvrir une enquête

exhaustive et impartiale sur l'« effacement » et ses conséquences. Par le biais de cette décision, la

Cour européenne des droits de l'homme adresse un message clair à la Slovénie : les « effacés »

auraient dû obtenir réparation depuis longtemps, notamment sous la forme de restitution, de

satisfaction, d'indemnisation, de réadaptation et de garantie de non-répétition, comme l'exige le

droit international.

Amnesty International appelle les autorités slovènes à examiner en profondeur la décision de la

Grande Chambre et à présenter des mesures de mise en oeuvre visant à résoudre sans délai la

situation des personnes dont le statut de résident permanent a été révoqué.
Complément d'information

26 février 1992 : 25 671 personnes – soit plus d'un pour cent de la population slovène – sont



illégalement radiées du registre des résidents permanents du pays, et ce en dehors de toute

procédure légale, sans avertissement préalable ni possibilité de contestation. Il s'agit

principalement de personnes originaires d'autres républiques de l'ex-Yougoslavie vivant en Slovénie

mais qui, pour diverses raisons, n'ont pas acquis la nationalité slovène après l'accession de ce pays

à l'indépendance.

Conséquences : la radiation prive, de fait, les « effacés » de leurs droits économiques, sociaux et



politiques ; ils sont mis au ban de la société ou contraints d'émigrer dans d'autres pays d'Europe,

souvent en se faisant passer pour des réfugiés, voire des demandeurs d'asile. On dénombre

quelques cas de suicides et d'autres décès dus à la pauvreté et au manque de soins médicaux.

Beaucoup sont expulsés de force du pays, même si leur conjoint(e) ou leurs enfants sont de

nationalité slovène, ce qui conduit à l'éclatement de nombreuses familles.

1999 et 2003 : la Cour constitutionnelle de Slovénie reconnaît à deux reprises (en 1999 puis en



2003) l'illégalité de cette procédure, statuant que la qualité de résident permanent des personnes

concernées doit être rétablie avec effet rétroactif à la date à laquelle elles ont été radiées du

registre.

Conséquences : les décisions pourtant sans équivoque de la Cour constitutionnelle restent lettre



morte pendant des années. Ainsi, en 2012, environ 13 000 personnes sont toujours privées de

statut juridique en Slovénie. La réticence affichée année après année par les autorités montre

qu'elles n'ont pas su appréhender pleinement les conséquences de cette procédure ni la situation à

laquelle les « effacés » sont confrontés.

2006 : l'affaire Kurić et autres c. Slovénie a pour origine une requête dirigée contre la Slovénie et



déposée le 4 juillet 2006 auprès de la Cour européenne des droits de l'homme par 11 personnes

« effacées ». Après un premier examen, la Cour européenne déclare la requête recevable en vertu

du droit à un recours effectif, du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'interdiction de

la discrimination.

2010 : une loi spécifique est adoptée pour rétablir le statut juridique des « effacés » et mettre en



oeuvre les décisions de la Cour constitutionnelle. Cependant, la portée et l'application de cette loi

restent un sujet de préoccupation.

Conséquences : la nouvelle législation est restrictive et fait reposer la charge de la preuve sur les



« effacés », sans même les exonérer des frais administratifs. De plus, l'annonce de la nouvelle loi

n'est guère diffusée dans d'autres pays où certains « effacés » ont élu domicile, et aucune

disposition spécifique n'est prévue pour le regroupement des familles qui se sont formées

ultérieurement. C'est pourquoi les demandes de rétablissement de statut juridique sont très peu

nombreuses. D'après les registres officiels des autorités slovènes, en avril 2012, seules

170 demandes ont été présentées par des « effacés », 17 par leurs enfants et 42 par d'autres

personnes. Seules 59 d'entre elles ont reçu une réponse favorable, 83 ont été rejetées ou

suspendues et 87 sont en cours d'instruction.

2010 : selon la décision prononcée en première instance dans l'affaire Kurić c. Slovénie le



13 juillet 2010, la Slovénie a violé le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 de la

Convention européenne des droits de l'homme) et au droit à un recours effectif (art. 13 du même

texte). Fin 2010, la Slovénie tout comme les « effacés » interjettent appel devant la Grande

Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme. L'audience publique de l'affaire se tient le

6 juillet 2011.

Document public
 

 

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